mardi 21 février 2012

Madagascar : Techniques de Coup d’Etat

 

Il existe des livres qu’on ne trouve pas dans les bibliothèques, ni même sur les boutiques en ligne, mais on peut les trouver dans certains recoins du web où des citoyens lambdas n’ont pas l’habitude d’y aller, car ce sont des recoins sombres et qu’il existe des cryptes qu’il ne vaut pas mieux ouvrir. C’est dans ce genre de recoin que j’ai trouvé un livre intitulé Coup d’Etat - The Technique of Revolution écrit par Curzio Malaparte, un journaliste et un éditorialiste politique qui a suivi la révolution bolchévique en Russie, celle de Pologne et celle de l’Allemagne. Ce livre a été publié pour la première fois en 1931 et à première vue, il m’a semblé un recueil d’analyses politiques qu’on lit quand on a des insomnies. Mais quand j’ai lu la première histoire, j’ai été effaré de voir que les techniques utilisées par les révolutionnaires de l’époque sont identiques à ce qu’on a pu voir en 2009 à Madagascar. Au cours des années qui précédèrent la publication, ce livre a été banni des bibliothèques et des universités à cause de son contenu extrêmement subversif et que cela peut donner des idées à certains. Mais ce livre est une mine de connaissance pour comprendre la définition d’un Coup d’Etat et d’une révolution et que cela peut servir de leçon aux générations futures.

 

La différence entre une révolution et une insurrection

 

La Révolution Russe d’Octobre 1917 est l’une des plus importantes de l’histoire puisqu’elle a portée Lénine au pouvoir et qu’elle est le commencement de l’URSS. L’histoire officielle nous raconte que l’architecte de cette révolution a été Lénine, mais en réalité, tout le mérite revient à Léon Trotski qui était un révolutionnaire et un communiste dans l’âme. Dans l’esprit de Lénine, la révolution devait être d’une grande ampleur avec des appels généraux dans les usines, les syndicats et toute la classe ouvrière. Ensuite, on devait organiser des grèves, des protestations dans tout le pays jusqu’à faire tomber le gouvernement. Léon Trotski n’était pas d’accord, car il estimait que c’est une technique à l’ancienne qui n’a plus cours dans le monde moderne. Pour créer une révolution, il faut d’abord créer une insurrection avec quelques dizaines de membres radicaux qu’on recrutés et entrainés. Ensuite, on peut appeler la foule à la révolution et enfin, on peut faire tomber le gouvernement.

La cible principale de cette révolution était Petrograd, aujourd’hui Saint-Petersburg, car c’est la ville des institutions gouvernementales et une concentration de la classe ouvrière. Pour Lénine, la révolution devait être politique et même philosophique tandis que pour Trotski, c’était une machine et on devait utiliser des tacticiens et des experts pour la lancer.

La tactique de Trotski consistait en ce qu’il appelle des manœuvres invisibles. Il a recruté une centaine de personnes prêtes à tout dans les usines, des chômeurs et autres membres de la classe ouvrière. Ensuite, il les a séparé par des groupes de 3 ou 4 personnes qui passeraient inaperçus au yeux des autorités. Enfin, ces groupes étaient chargés de faire monter la tension auprès de la foule avec des slogans incendiaires contre le gouvernement. A cette époque, le chef du gouvernement était Kerenski qui avait gardé les habitudes du passé, à savoir, un ordre bien établi avec une armée entièrement sous ses ordres. L’armée ne pouvait se déplacer qu’en masse et c’était le principal point faible contre une insurrection à la Trotski. En effet, on peut voir encore ce type d’armée avec la police, le gendarme ou le militaire actuel. Des groupes très organisés qui obéissent aveuglément aux ordres. Les hommes de Trotski étaient indépendants et ils pouvaient lancer des attaques de leur propre initiative. Leur seule ligne directive était de déstabiliser le gouvernement par tous les moyens. Il est toujours impossible pour une armée traditionnelle de vaincre des techniques de guérilla et on le voit en Irak ou en Afghanistan de nos jours.

 

Les techniques de Coups d’Etat de Trotski

 

Pour qu’une insurrection à la Trotski fonctionne, il faut respecter les étapes suivantes :

  • Il faut que le peuple accueille favorablement un renversement du pouvoir
  • Il faut paralyser les centres techniques et les capacités de défense du gouvernement
  • Il faut mobiliser le maximum de personnes après les premières jours de l’insurrection dans une grève générale.

A cette époque, la Russie était déchirée par une guerre de pouvoir, le chômage et le nombre de déserteurs dans l’Armée Rouge. Toutes ces personnes erraient sans but dans la ville et ils attendaient une chose sanglante pour exprimer leur frustration. Selon Lénine, il faut rassembler le maximum de partis politiques et faire de longues discussions sur les changements possibles. Trotski était plus radical, car selon lui, il suffit de paralyser les défenses et les communications du gouvernement pour le faire tomber. La puissance d’un gouvernement n’est pas dans les ministères, mais les casernes, les centres de communications, les hôpitaux, les routes, etc. Une fois qu’on a paralysé tous ces centres, le gouvernement est totalement sans défense.

De ce fait, Trotski envoya ces groupes qu’on appela les Gardes Rouges en mission de surveillance sur tous ces points stratégiques. Personne ne fait attention à 3 ou 4 personnes sans armes qui observent la force militaire et la capacité de réaction des autorités. Ensuite, ils ont déclenchés des actions pour tester les réactions des militaires. Une fois qu’ils ont eu toutes ces informations, ils pouvaient se préparer avec l’armement et le nombre d’hommes nécessaires. Ainsi, des groupes armés ont visés les centres de télégraphe, les stations de train et les compagnies d’électricité. L’erreur monumentale de Kerenski a été d’envoyer toutes ses forces pour protéger les ministères alors qu’ils n’ont jamais étés la cible.

Pour réussir le Coup d’Etat de 1917, Trotski n’a eu besoin que de 100 hommes pour prendre une ville de plusieurs centaines de milliers d’habitant. L’attaque a été lancée le 24 octobre 1917 contre le centre de télégraphe et les ponts de communication de la ville. Simultanément, d’autres groupes prenaient d’assaut les compagnies d’électricité et les stations de train. Enfin, un dernier groupe attaqua les casernes de militaire avec des grenades pour semer le chaos. La ville tomba en l’espace de quelques heures tandis que le gouvernement de Kerenski comprenait à peine ce qui se passait. Le gouvernement embourbé dans sa bureaucratie crut d’abord à une propagande de déstabilisation tout simplement parce que ce n’était pas un Coup d’Etat techniquement parlant puisqu’aucun ministère n’avait été attaqué. La seconde phase a été un appel général aux ouvriers et à la foule pour piller tout ce qui bouge. Voici une traduction d’un témoin de la ville pendant le 2e jour de l’insurrection :

Les gens étaient comme fous, ils riaient et ils couraient dans tous les sens. On n’avait aucune nouvelle puisque la presse et le télégraphe étaient coupés. Les passants gonflaient les rumeurs les plus folles et on errait sans but dans la ville à la recherche de la moindre information. C’était indescriptible et on ne pouvait pas imaginer de tels actes de barbaries de la part d’un peuple civilisé

Cela ne vous rappelle rien ?

Quand le chaos a été généralisé, Lénine et ses proches sont allés tranquillement dans les institutions gouvernementales et ils ont arrêtés le chef du gouvernement et les responsables politiques sans aucun effort puisque ceux-ci n’avaient plus rien pour se défendre. L’une des plus grandes villes de Russiee était tombé en quelques jours avec une centaine d’hommes issue de la classe ouvrière !

La comparaison avec la situation de Madagascar est tellement effarante qu’on dirait que quelqu’un a appliqué les consignes de ce livre à la lettre. On a eu d’abord les actes de déstabilisation. On se souvient aussi que la prise des ministères n’est arrivé que très tardivement. L’important était de créer un choc psychologique avec les pillages et les morts pour traumatiser le citoyen qui n’avait pas l’habitude de ce type de violence. On peut aussi comparer l’inefficacité du gouvernement de Ravalomanana qui avait envoyé l’armée contre des groupes de quelques dizaines de pillards. Il avait déjà perdu avant même de commencer la bataille. On a également le terreau favorable d’une révolution générale avec la stagnation de l’économie et une faiblesse de la richesse malgré une croissance positive.

Aussi, quand on lit sur les sites proches du pouvoir que les évènements de 2009 sont une révolte spontanée, on a envie de ricaner devant une telle propagande. Ces évènements ont étés planifiés et préparés avec une minutie extrême. Tout a été analysé et fait pour que cela explose au bon moment. Avec Trotski, il y a eu de nombreux militaire et ingénieurs qui ont participés à l’insurrection. En fait, le principal avantage de la technique de Trotski est cela ne ressemble pas à un Coup d’Etat grâce aux petites attaques qui paraissent anodines. C’est lorsque le gouvernement est tombé qu’on peut revendiquer le nom de Coup d’Etat avec des documents juridiques bidons. Il suffit de voir les dates de 2009 : Janvier et Février 2009 pour les actions de guérilla et mars 2009 pour la proclamation d’un nouvel Etat.

 

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